Un an et demi après la révélation du scandale du Mediator, le premier procès pénal qui vise l'entreprise Servier et son patron Jacques Servier, 90 ans s'est ouvert ce lundi à Nanterre. Le Mediator aurait provoqué la mort de 500 à 2 000 patients et causé des problèmes cardiaques chez de nombreux autres.
Le procès pénal visant le laboratoire Servier et son patron Jacques Servier s'est ouvert ce lundi à Nanterre, un an et demi après l'éclatement du scandale du Mediator, ce médicament accusé d'avoir tué entre 500 et 2 000 personnes.
Plus de 350 personnes demandent réparation devant le tribunal correctionnel de Nanterre ce lundi. Elles ont décidé de ne pas attendre la fin de l'instruction menée au pôle santé du parquet de Paris car elles souhaitent un procès rapide. Les parties civiles ont donc misé sur une citation directe pour « tromperie aggravée » dans laquelle leur revient la lourde tâche d'apporter des preuves, sans avoir accès aux investigations parisiennes.
Les laboratoires Servier et sa filiale commerciale Biopharma encourent des amendes et surtout des interdictions d'activité. Le président-fondateur Jacques Servier, 90 ans, docteur en médecine et en pharmacie, ancien président de l'Ordre des pharmaciens, et quatre autres dirigeants risquent jusqu'à quatre ans de prison ferme assortis ou non d'amendes. Ils nient les faits et plaideront d'abord des demandes de renvoi de l'audience pour complément d'enquête, voire d'annulation du procès, avant de demander la relaxe si l'affaire est examinée au fond. Dans ce cas, l'audience se finira fin mai.
« C’est absurde, nous n’essayons pas de gagner du temps »
Maitre Hervé Témime est l'avocat de Servier. Ce lundi, il va soulever deux questions prioritaires de constitutionnalité qui pourraient donner lieu à un renvoi du procès. D'abord, sur le délai de prescription en matière de tromperie mais aussi sur la tenue d'un procès à Nanterre alors que Servier est mis en examen par des juges d'instruction à Paris. Les parties civiles lui reprochent de vouloir gagner du temps. L’avocat s’est confié sur RMC : « C’est absurde, nous n’essayons pas de gagner du temps. Notre position est connue depuis l’origine. Il ne saurait y avoir qu’un seul procès, c’est le souhait de très nombreuses parties civiles et ce procès devrait avoir lieu à Paris. Quand on est mis en examen, on ne peut pas être jugé par un tribunal correctionnel par voie de citation directe pour les mêmes faits ».
« Servier n’a jamais rien caché aux autorités »
Parmi les pièces maîtresses des parties civiles figurent des rapports internes de Servier et les annexes du rapport accablant de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), commandé par le ministre de la Santé. Selon l'Igas, le retrait du Mediator « aurait pu être décidé dès 1999 », soit dix ans avant sa disparition du marché. Lucy Vincent, porte-parole des laboratoires Servier, s’en défend : « Servier n’a jamais rien caché aux autorités. Toutes les données ont été disponibles dès leur découverte et le rapport de l’Igas ne peut pas constituer la seule pièce sur laquelle on juge l’affaire parce qu’elle est uniquement à charge. Nous sommes dans l’attente d’un moment de transparence. On a l’impression d’avoir vécu un procès par les médias depuis un an et demi et nous pensons qu’enfin nos données vont être entendues ».
« Un procès pour tromperie aggravée »
Le docteur Dominique Courtois, de l’association de défense des victimes de l’Isomèride et du Mediator, est soulagé de l’ouverture de ce procès : « C’est un signal fort pour toutes les victimes du Mediator. Pour la première fois, le laboratoire Servier va rendre compte de ses actes. Ce n’est pas un procès pour blessure ou homicide involontaire, c’est un procès pour tromperie aggravée (…) en n’indiquant pas à partir de 1997 les complications graves dont il connaissait l’existence, puisqu’il savait que le Benfluorex [Principe actif du Mediator] avait déjà entrainé de graves complications ».
« Les gens ont consommé un poison éventuellement mortel »
Irène Frachon est pneumologue à Brest. C’est elle qui a révélé l’affaire du Médiator avec son livre Mediator 150 mg. Elle témoignera à Nanterre et a exprimé sur RMC son soulagement avec l’ouverture de ce procès : « Les gens ont été trompés. Ils ont consommé ce qu’ils pensaient être un médicament et qui était en réalité un poison éventuellement mortel. Vous imaginez le traumatisme. Cette détresse ne fait qu’empirer depuis que cette affaire a commencé. Elle se heurte au déni et aux mensonges des laboratoires Servier ».