INTERVIEW - Pourquoi plus de 8 dossiers de demande d'indemnisation sur 10 sont-ils pour l'instant rejetés par le collège d'experts dans le scandale du Mediator ? Le docteur Dominique-Michel Courtois, président de l'association d'aide aux victimes du Mediator, dénonce des critères trop stricts.
TF1 News : Comment expliquer qu'un aussi grand nombre de dossiers de patients ayant pris du Mediator soient rejetés par le collège d'experts du ministère de la Santé ?
Dr Dominique-Michel Courtois(1) : Nous sommes les premiers surpris de ces rejets : ils concernent plus de 80% des dossiers déjà examinés(2) ! Le collège d'experts a mis en place des critères extrêmement stricts. Par exemple, on demande aux victimes du Mediator d'apporter la preuve, sous forme de documents médicaux, qu'au moment où le médicament leur a été prescrit, elles n'avaient pas de problème cardio-vasculaire, qu'elles n'avaient pas pris d'anti-migraineux susceptibles d'entraîner des problèmes cardiaques, ou qu'elles n'avaient pas eu, dans leur enfance, une angine qui aurait pu avoir des conséquences sur leurs valves cardiaques. C'est pratiquement impossible ! Pourtant, je suis médecin, et je peux vous dire que les quelque 5000 dossiers que nous avons présentés sont solides, et qu'ils montrent un lien clair, selon moi, entre les pathologies des patients et la prise de Mediator. Maintenant, avec une restriction aussi drastique des conditions d'indemnisation, on se retrouve très en-dessous de ce qu'avaient proposé les laboratoires Servier, avant même la mise en place du fonds d'indemnisation.
Mais n'y avait-il pas eu des négociations avec le précédent gouvernement, de manière à définir précisément qui pourrait être indemnisé, et dans quelles conditions ?
Au niveau gouvernemental, on pourrait se dire que le travail a été fait, puisqu'il y a eu un fonds d'indemnisation qui a été mis en place pour les victimes du Mediator. Mais maintenant, c'est précisément au niveau de ce fonds que tout bloque. Lors des discussions avec le précédent ministre de la Santé, on nous avait laissé entendre que toute personne ayant pris du Mediator et présentant une valvulopathie cardiaque pourrait être indemnisée. Désormais, on se rend compte que les critères choisis sont beaucoup plus restreints. Ils ne correspondent plus du tout à la philosophie qui avait prévalu lors des débats avec Xavier Bertrand. Nous avons demandé des explications sur ce changement à la nouvelle ministre, Marisol Touraine : elle ne nous a pas répondu. Et du côté du gouvernement, plus rien n'est fait. Depuis les élections, il n'y a plus de comité de suivi, plus aucune information. Les associations en sont scandalisées. Nous devons nous réunir sous peu pour en discuter. Quant aux victimes, que doivent-elles croire maintenant ?
Pourquoi ce silence du gouvernement ?
Nous aimerions le savoir. Est-ce un problème d'ordre financier ? Les laboratoires Servier doivent, théoriquement, indemniser les victimes dont les dossiers ont été acceptés par le collège d'experts. Mais s'ils refusent de suivre leurs recommandations, dans ce cas-là, c'est à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) de payer, à charge pour lui de se retourner ensuite contre Servier. Dans ce cas-là, ce sont donc des fonds publics qui servent à faire l'avance. Et nous avons bien l'impression que le gouvernement a d'autres priorités.
(1) Le docteur Dominique-Michel Courtois est président de l'association d'aide aux victimes du Mediator et de l'Isoméride (AVIM)
(2) Selon Le Parisien, 831 dossiers de demande d'indemnisation ont déjà été examinés par les experts, dont 712 ont été rejetés, et 112 jugés recevables.